Les détracteurs d’un matériel d’équitation adapté à chaque cheval diront : les chevaux ne se plaignaient pas avant, ils faisaient bien ceci ou cela à un super niveau sans ça… Oui mais ça ne l’empêche pas de tourner sur 1,50 m ou en St Georges. Mais ma selle c’est une … Bip … qui coûte … Bip … donc c’est le top. Ou encore le célèbre « selle qui s’adapte à tous les chevaux » grâce à son arcade magique. Alors pour presque toutes ces affirmations, je dirais Oui.
Mais aussi un grand Non ! En effet, les constats d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. D’une part, la compréhension des schémas biomécaniques et physiologiques des chevaux progressent. D’autre part les connaissances s’affirment quand d’autres savoirs reviennent d’un autrefois négligé. A mon sens, il convient de nuancer les propos « à œillères », car tout n’est pas blanc ou noir dans le domaine équestre. La situation actuelle est le fruit des choix faits au passé, et des évolutions d’aujourd’hui. Alors pourquoi évoque-t-on aujourd’hui l’adaptation du matériel pour les chevaux et les problèmes de matériel ?Et surtout pourquoi ce n’est vraiment pas nouveau ?
Voici quelques raisons qui ne sauraient suffire pour faire un tour de table complet.
L'adaptation du matériel d'équitation dépend des caractéristiques de chaque cheval
Parlons d’abord sélection : nous savons que chaque cheval possède une personnalité, des capacités physiques, un passif qui lui sont propres. Il en va de même pour sa résistance physique à la douleur et surtout la résistance mécanique et de régénération de ses fibres musculaires. Ces dernières caractéristiques, déterminées par la génétique, sont variables en fonction des individus. Cela aura un impact direct sur la capacité du cheval à supporter une adaptation plus ou moins adéquate de son matériel. Enfin, il faut noter que nos chevaux ont grandement évolué physiquement ces dernières décennies. Ainsi, ils sont globalement moins aptes à supporter un matériel peu adapté.
Il y a encore moins d’un siècle, on écartait le cheval « fragile » ou « boiteux » de la reproduction. Les anciens n’avaient pas toutes les connaissances biomécaniques ou vétérinaires actuelles. Par conséquent, ils ne pouvaient pas toujours identifier les causes d’une boiterie, d’une faiblesse ou d’une locomotion défectueuse. Si la conception ou l’inadaptation du matériel en était la raison, les savoirs de l’époque ne permettaient pas forcément de faire le lien. Donc, le cheval n’était pas jugé assez solide, n’avait pas de descendance, etc. Nous manquions de connaissances pour fabriquer du matériel d’équitation adapté à chaque cheval
De l'importance de posséder du matériel d'équitation adapté à votre cheval
Toutefois, aujourd’hui, nous disposons de nombreuses solutions médicales ! Nous les utilisons pour conserver les capacités physiques et sportives de nos montures, parfois de manière abusive. Hier, cheval pour le travail quotidien ou la guerre, aujourd’hui qui saute toujours plus haut ou se déplace de manière toujours plus spectaculaire.
La question du critère athlétique prime aujourd’hui sur la rusticité et des qualités intrinsèques qui en découlent. En fonction des croisements, il est tout à fait fréquent de nos jours de rencontrer un cheval que l’on jugerait « costaud » intolérant à la moindre pression inadéquate. A l’inverse, on peut rencontrer un frêle pur sang qui supportera tout, jusqu’à ne plus pouvoir mettre un pied devant l’autre. Je suis toujours surprise lorsque je découvre un cheval qui a une catastrophe de matériel sur le dos et ne s’en sort pas si mal. Et un autre qui va demander à avoir un équipement optimum sans quoi vous vous exposez à une sérieuse morsure.
Les vétérinaires, ostéopathes, masseurs équins, attestent qu’un matériel inadapté à court ou long terme peut provoquer des dommages physiques parfois irréversibles pour le cheval. C’est particulièrement vrai pour la question de la selle.
Cheval-objet ou compagnon ?
Heureusement pour lui, on considère de moins en moins le cheval comme un objet ou un outil, car l’homme pense à son bien-être. On met l’accent sur la construction d’une relation saine entre le cheval et son cavalier. Car si elle est agréable pour les deux, les bénéfices sont partagés.
Cela peut se peut résumer ainsi : l’équitation c’est bien ; quand le cavalier et son cheval trouvent, ensemble, plaisir à se dépasser, c’est formidable.
En outre, si la peine de l’effort physique peut s’apprécier, la douleur de l’inconfort ou de la pathologie, non. Le cheval est en train de redevenir un compagnon. Et ceci d’une manière pas si différente finalement de ce que l’on peut trouver dans certains ouvrages tri-centenaires. En effet, on y dépeint le cheval comme un partenaire, comme la plus grande des richesses, comme un maître de vie.
Causes et conséquences de la disparition des selliers-harnacheurs en France
Mais revenons à notre question principale : pourquoi, il y a 20 ans en France celui qui aurait parlé d’adaptation de la selle aurait recueilli en retour des regards interloqués ou des railleries (même de la part de selliers réputés) ? Ceci s’explique par un phénomène de disparition progressive des artisans selliers harnacheurs en France. A l’inverse, certains pays, comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, en ont beaucoup moins souffert. Ceci par soucis de maintien d’une tradition et d’un savoir-faire, mais surtout par une vision de développement différente de la nôtre. Ainsi, l’optimisation pragmatique de la conception du matériel sert la performance équestre. Ils ont su avec le temps et avec succès à mon avis, transcrire cette façon de concevoir à l’échelle industrielle.
La démocratisation de l'équitation dans les années 1960
La démocratisation de l’équitation a débuté à la fin des années 1960 / début des années 70. Elle a engendré un besoin croissant de matériel, plus abordable et à plus grande échelle. En somme, il fallait pouvoir acheter une selle comme on allait acheter le journal. Face aux imports de selles étrangères très bas de gamme, l’industrialisation de la sellerie haut de gamme dans notre pays s’est développée en préférant certaines méthodes de conception en parallèle d’une standardisation. L’objectif était de pouvoir répondre aux impératifs de productivité et de rentabilité.
Les artisans fermèrent peu à peu leurs portes, battus par les prix bas, les délais ou la dimension prestigieuse des marques.
Deux générations de selliers plus tard, le savoir qui faisait qu’à l’époque, une selle « française » était conceptuellement identique à une anglaise ou allemande s’est quasiment perdu. Certes, nous avons su préserver certaines méthodes de fabrication qui font notre pâte et notre talent. Mais nous en avons également perdu certaines, qui nous font maintenant cruellement défaut. Dans les clubs ou autres lieux d’enseignements, les bases de l’adaptation et son importance, le rôle du sellier n’ont plus été enseignés… Ils sont pourtant déjà mentionnés par des écuyers dans les ouvrages du 18ème siècle. On manque également d’artisan à qui rendre visite ou qui vous parlerait de son métier. En parallèle, la morphologie des chevaux et des cavaliers n’a, elle, pas cessé d’évoluer.
Nous sommes descendus du train en marche.
La redécouverte du savoir-faire des artisans selliers dans les années 2000 quant à l'adaptation du matériel d'équitation
Heureusement, depuis une dizaine d’années, le monde équestre français re-découvre la chose. Avec les avantages et les inconvénients d’un soit-disant effet de mode qui n’en est pas un, car cet aspect de l’équitation a tout simplement été mis de côté et oublié.
Les rares selliers harnacheurs de notre époque se mettant à leur compte se forment parfois par eux-mêmes ou à l’étranger, à certaines techniques de conception et de compréhension de l’adaptation.
Attention cependant à ne pas dénigrer la selle industrielle moyenne ou haut de gamme. La production standardisée est aussi importante car elle permet de s’équiper facilement et rapidement, sous réserve de trouver la bonne combinaison pour soi et son cheval. Mais face à l’abondance de l’offre, comment faire le bon choix ?
Acquérir par soi-même des connaissances sur le matériel d'équitation adapté pour mieux accompagner son cheval
Il existe un moyen simple : se réapproprier des connaissances et apprendre les bases de l’adaptation. L’objectif est de pouvoir juger son matériel et surtout jauger la prestation des professionnels. Car comme tout ce qui a le vent en poupe, on voit fleurir les fitters, les offres de « sur-mesure »… Certains font un travail honnête, d’autres non. Alors certes, il est important de se faire accompagner par un professionnel qui sera là pour vous aiguiller, vous proposer du matériel d’équitation adapté à votre cheval et apporter des modifications en temps utile à votre équipement. Mais il est surtout primordial que le cavalier comprenne son matériel, car le fitter ou sellier ne pourra pas être là toutes les semaines !
Un cheval, c’est un être vivant. Il grandit, grossit, maigrit, se muscle, se dé-muscle, se blesse… Il faut donc que le cavalier soit capable de détecter les problèmes éventuels d’adaptation. Et dans un second temps d’intervenir sur ceux-ci quand cela est possible pour continuer à monter sans nuire à son cheval. Cet apprentissage est aussi important que de savoir si son cheval a les pieds correctement parés, comment bien le nourrir, lui offrir un environnement agréable… Travailler sur sa posture de cavalier et sa technique… Du moins, si l’on a cette vision de la chose équestre.
Dernier conseil : prenez en considération le confort de votre cheval 🙂
En conclusion et en toute logique, je doute que vous soyez heureux d’être forcé à parcourir des kilomètres, sauter ou danser pendant une heure avec des chaussures deux fois trop petites, un gros caillou dans la basket, des sous-vêtements trop serrés… ou les trois tant qu’à faire. S’il vous est imposé la même chose à chaque séance de sport, vous pourriez vite adopter un comportement particulier ou des compensations physiques en réaction à ces inconforts ou douleurs. Comment pourriez-vous alors réaliser avec plaisir et facilité un bel entrechat, améliorer votre vitesse, développer une musculature robuste et harmonieuse ?
Tout pareil pour votre cheval. Vous procurer du matériel d’équitation adapté à votre cheval lui sera donc très bénéfique !
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Cet article a été écrit par Adélaïde Potiron. Sellière et spécialiste en saddle fitting, elle co-anime la formation Saddle fitting / bit fitting avec Léa Roussot. Elle propose du matériel d’équitation adapté via sa boutique Rose & Graham en Dordogne. En savoir plus ici.